\section{Hymnes pour chaque jour de la semaine} \subsection{Pour le dimanche} \paragraph{À Matines} (Depuis l'octave de l'Épiphanie jusques au Carême, et depuis le mois d'octobre jusques à l'Avent.) En ce jour, le premier qu'ait vu briller la terre, Ce jour où du néant Dieu tira l'univers, Ce grand jour que choisit ce maître du tonnerre Pour terrasser la mort et briser tous nos fers, Aux langueurs du sommeil dérobons nos paupières, Développons du lit nos membres engourdis, Et cherchant dans la nuit la source des lumières, Suivons ce qu'un prophète a pratiqué jadis. Prions ce créateur de toute la nature Qu'il écoute nos vœux, qu'il nous tende la main ; Et qu'ayant épuré nos cœurs de toute ordure, Cette main nous élève au bonheur souverain ; Que quiconque amoureux de sa gloire divine L'exalte en ces moments les plus sacrés du jour, Quiconque y donne un temps qu'au repos on destine, En ait pour digne prix les dons de son amour. Nous t'en conjurons tous, vive clarté du Père, Ecarte de nos cœurs ce qui les peut blesser ; Bannis de nos désirs ce qui peut te déplaire, Et de nos actions ce qui peut t'offenser. Que jamais rien d'impur, que jamais rien de sale Ne tache le dehors, ne souille le dedans ; Et que jamais l'ardeur d'une flamme brutale N'ait de quoi nous livrer à des feux plus ardents. Daigne, Sauveur bénin, effacer de nos âmes Tout ce qui fait rougir le front des vrais chrétiens ; Et sur les traits biffés de ces marques infâmes Grave tout ce qui mène au séjour des vrais biens. Que dégagés ainsi des passions charnelles, Reçus de ton empire au sacré célibat, Comme osent l'espérer tes serviteurs fidèles, De ta gloire à jamais nous bénissions l'éclat. Accordez cette grâce à nos humbles prières, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui régnez l'un et l'autre au séjour des lumières, Où sans fin avec vous règne le Saint-Esprit. (Depuis l'octave du Saint-Sacrement jusqu'au mois d'octobre.) Levons-nous dans la nuit, coupons-la par nos veilles, Faisons-la résonner de nos plus doux accords ; Et pour chanter d'un Dieu les plus hautes merveilles, Unissons nos efforts. Joignons aux voix des saints une sainte harmonie, Qui mérite une entrée en ces brillants palais Où l'on goûte avec eux le bonheur d'une vie Qui ne finit jamais. Daigne nous l'accorder la sagesse profonde De cette essence unique en trois divins suppôts, Dont la gloire remplit de l'un et l'autre monde Les plus vastes enclos. \paragraph{À Laudes} (Depuis l'octave de l'Épiphanie jusques au Carême, et depuis le mois d'octobre jusques à l'Avent.) De ce vaste univers créateur immuable, Qui gouvernez la course et des jours et des nuits, Et variez leurs temps par l'ordre invariable Dont la diversité soulage nos ennuis, Le messager du jour commence votre éloge : Ce vigilant oiseau par ses chants nous instruit, Sa voix aux voyageurs dans l'ombre sert d'horloge, Et sépare à grands cris la nuit d'avec la nuit. Il prend un soin exact d'éveiller le Phosphore\footnote{Marty-Laveaux commente ici : le terme \og Phosphorus \fg~a été employé par Martial dans ses épigrammes dans le sens de \emph{Lucifer}, \og l'étoile du matin \fg.} : Il l'invite à chasser les ténèbres des cieux, Menace le voleur du retour de l'aurore, Lui fait cacher sa proie et redouter nos yeux. Du nocher à ses cris la vigueur se rappelle ; Les vagues de la mer roulent moins fièrement ; Pierre se reconnoît pour disciple infidèle, Et par des pleurs amers lave son reniement. Levons-nous sans tarder, entendons sans remise Ce qu'il nous dit si haut dès son premier réveil ; Sa voix a convaincu le prince de l'Église, Sa voix aux paresseux reproche le sommeil. Nous sentons à ses chants renaître l'espérance ; Le malade en reçoit un rayon de santé, Le glaive du brigand nous laisse en assurance, La foi vive succède à l'infidélité. Que par toi de nos cœurs la guérison s'achève : De tes yeux, doux Sauveur, il n'y faut qu'un seul trait : Regarde le pécheur, sa chute se relève ; Fais-lui verser des pleurs, il n'a plus de forfait. Éclaire tous nos sens de ta propre lumière, Dissipe le sommeil dont ils sont accablés ; Qu'en nos concerts ta gloire à jamais la première Puisse acquitter des vœux tant de fois redoublés ! Gloire au Père éternel ! Gloire au Fils ineffable ! Gloire toute pareille à l'Esprit tout divin ! Gloire à leur unité, dont l'essence adorable Règne sans borne aucune, et régnera sans fin ! (Depuis l'octave du Saint-Sacrement jusqu'au mois d'octobre.) Des ombres de la nuit l'épaisseur affoiblie Va céder de l'aurore à l'éclat renaissant : Il est temps que des corps la vigueur rétablie Se voue au Tout-Puissant. Supplions sa pitié d'accepter notre hommage, D'écarter la langueur, d'affermir la santé ; Et qu'un Dieu, pour nous rendre au céleste héritage, D'un père ait la bonté. Daigne nous l'accorder la sagesse profonde De cette essence unique en trois divins suppôts, 1 Dont la gloire remplit de l'un et l'autre monde Les plus vastes enclos. \paragraph{À Prime} Les astres et la nuit à l'aurore ont fait place : Supplions un Dieu tout-puissant Que durant tout le cours du soleil qui les chasse, Nous ne portions nos mains à rien que d'innocent, Qu'il tienne à notre langue une bride sévère, Qu'il lui fasse horreur des débats ; Qu'il daigne ouvrir nos yeux à sa sainte lumière, Qu'il daigne les fermer à tous les vains appas. Que le fond de nos cœurs, sans tache et sans ordure, Repousse tous les faux plaisirs ; Que la sobriété dompte de la nature Le plus rebelle orgueil et les plus fiers désirs. Qu'il nous mette en état qu'au bout de la journée, Quand la nuit reprendra son tour, Dans cette pureté qu'il nous aura donnée, Nous chantions à sa gloire un cantique d'amour. Gloire au Père éternel ! Gloire au Fils ineffable ! Gloire à l'Esprit saint et divin ! Gloire à leur unité, dont l'essence immuable Règne sans borne aucune, et régnera sans fin ! \paragraph{À Tierce} Pur amour, Esprit Saint, qui n'êtes qu'une essence Avecque le Père et le Fils, Daignez par une prompte et bénigne influence Verser du haut du ciel vos dons dans nos esprits. Que nos bouches, nos cœurs, et nos sens, et nos forces, Rendent gloire à leur souverain ; Que de la charité les brillantes amorces Par un ardent exemple embrasent le prochain. Que le Père et le Fils accordent cette grâce À l'humble ferveur de nos vœux, Eux qui régnent sans fin dans cet immense espace Que remplit l'Esprit Saint, qui n'est qu'un avec eux. \paragraph{À Sexte} Gouverneur tout-puissant de cette masse entière, Dieu, par qui chaque heure a son tour, Qui dépars au matin l'éclat de la lumière, Et gardes la chaleur pour le plus haut du jour, Éteins ces feux trop vifs d'où naissent les querelles ; Chasse toute nuisible ardeur ; Donne au corps la santé, l'effet aux vœux fidèles, La sainte joie à l'âme, et le vrai calme au cœur. Que le Père et le Fils accordent cette grâce À l'humble ferveur de nos vœux, Eux qui régnent sans fin dans cet immense espace Que remplit l'Esprit Saint, qui n'est qu'un avec eux. \paragraph{À None} Immuable vigueur qui soutiens toutes choses, Qu'à toutes on voit présider, Qui de tous les moments absolument disposes, Les fais s'entre-produire et s'entre-succéder, Donne un soir éclairé, qui fermant notre vie Nous ouvre un tranquille avenir, Où pour prix d'une course heureusement finie Nous trouvions une gloire à ne jamais finir. Que le Père et le Fils accordent cette grâce À l'humble ferveur de nos vœux, Eux qui régnent sans fin dans cet immense espace Que remplit l'Esprit Saint, qui n'est qu'un avec eux. \paragraph{À Vêpres} Père et maître de la lumière Qui de tes seuls trésors tires celles des jours Qui commenças par elle à déployer leur cours, Et préparer du monde et l'ordre et la matière ; Qui donnes le nom de journée Au doux enchaînement du matin et du soir : Le chaos de la nuit répand son voile noir, Écoute les soupirs de notre âme étonnée. Empêche que le poids des crimes L'exile du vrai jour qui seul fait vivre en toi ; Empêche que l'oubli de ta divine loi L'enfonce du péché dans les plus noirs abîmes. Fais monter au ciel sa prière, Fais qu'après ses combats la vie en soit le prix ; De tout ce qui t'offense épure nos esprits, De tout ce qui peut nuire affranchis leur carrière. Accordez-nous cette victoire, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ Qui régnez à jamais avec le Saint-Esprit Au bienheureux séjour de lumière et de gloire ! \paragraph{À Complies} En ces derniers moments du jour qui nous éclaire, Auteur de l'univers, nous t'osons demander Qu'avec ta clémence ordinaire Jusques à son retour tu daignes nous garder. Repousse loin de nous l'insolence des songes, Les fantômes impurs que le démon produit : Retiens ce père des mensonges ; Qu'aucune indignité ne souille notre nuit. Fais-nous, Père éternel, fais à tous cette grâce, Nous t'en prions au nom de ton fils Jésus-Christ, Qui règne en cet immense espace Où tu règnes toi-même avec le Saint-Esprit. (Ces hymnes à Prime, Tierce, Sexte, None et Complies, se disent tous les jours de l'année.) \subsection{Pour le lundi} \paragraph{À Matines} Seigneur, par le sommeil nos forces réparées Du lit dédaignent les douceurs : Entends, des voûtes azurées, Et le concert des voix, et le zèle des cœurs. Que ton nom le premier sorte de notre bouche, Que notre ardeur n'aille qu'à toi, Qu'aucun autre objet ne la touche Sois son premier souci, sois son dernier emploi. Qu'aux naissantes clartés l'ombre s'évanouisse ; Que la nuit se cache à son tour ; Que les désordres qu'elle glisse Se dissipent comme elle aux approches du jour. Épure nos esprits, efface tous nos crimes ; Que dégagés de tous forfaits Nous chantions tes bontés sublimes, Ici durant la vie, au ciel à tout jamais. Daignez, Père éternel, nous faire cette grâce ; Et vous, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui régnez dans l'immense espace Où comme vous et lui règne le Saint-Esprit. \paragraph{À Laudes} Splendeur de la gloire du Père, Dont tu tirés l'éclat que tu rends à ton tour ; Clarté de la clarté, source de la lumière, Jour de qui les rayons illuminent le jour ; Vrai soleil, répands dans nos âmes De cet éclat divin les rayons tous-puissants ; Verse du Saint-Esprit les plus brillantes flammes Sur les gouffres obscurs où s'abîment nos sens. Nous réclamons aussi ton aide, Père de qui la gloire est sans borne et sans fin, Père de qui la grâce est le puissant remède Qui seul de tous nos maux dissipe le venin. Père éternel, Père ineffable, Affermis nos vertus, confonds nos envieux ; Change en prospérité tout ce qui nous accable, Guide nos actions dans la route des cieux. Préside à toutes nos pensées, Forme en nous un corps chaste et fidèle à son Dieu ; Fais que de notre foi les ardeurs empressées À la fraude jamais ne laissent aucun lieu. Que la foi soit notre breuvage, Que pour viande en tous lieux nous ayons Jésus-Christ : Qu'une sincère joie y goûte l'avantage De cette sobre ivresse où s'épure l'esprit. Que ce jour ne soit qu'allégresse : Qu'il ait pour son matin une sainte pudeur, Pour midi cette foi qui t'adore sans cesse, Et dont aucun couchant n'ensevelit l'ardeur. L'aurore déjà nous éclaire : Puissent avec l'aurore éclairer nos esprits, Et le Fils qui se voit tout entier en son père, Et le Père qui vit tout entier en son fils ! Gloire à ce Père inconcevable ! Gloire au Verbe incarné ! Gloire à l'Esprit divin ! Gloire à leur unité, dont l'essence immuable Règne sans borne aucune, et régnera sans fin ! \paragraph{À Vêpres} Immense auteur du ciel, qui pour te mieux répondre Des êtres où tu fis entrer chaque élément, En divisant les eaux qui pouvoient les confondre, Entre elles pour barrière as mis le firmament ; Qui là-haut affermis un fond aux mers célestes, Et rangeas par ruisseaux les nôtres au-dessous, De crainte que du feu les ravages funestes Ne pussent dissiper un séjour fait pour nous : Verse dans tous nos cœurs une grâce fidèle, Dont le secours propice ait toujours à durer ; Empêche que l'effet d'une fraude nouvelle Sous une vieille erreur ne nous puisse atterrer. Fais que la foi nous donne une lumière sainte, Et nous imprime en l'âme à tel point sa clarté, Que jamais vain appas n'y porte aucune atteinte, Jamais ne l'embarrasse aucune fausseté. Accordez cette grâce à nos humbles prières, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui régnez l'un et l'autre au séjour des lumières, Où sans fin avec vous règne le Saint-Esprit. \subsection{Pour le mardi} \paragraph{À Matines} Lumière qui n'es qu'une avec celle du Père, Jour du jour, clarté des clartés, Nos chants rompent la nuit par une humble prière : Assiste-nous par tes bontés. Ecarte loin de nous les ténèbres coupables, Chasse les troupes de l'enfer, Et ce que le sommeil a de langueurs capables D'abattre un cœur, d'en triompher. Prends, Seigneur, prends pour nous une telle indulgence, Rends-toi si propice aux croyants, Qu'ils puissent obtenir de ta magnificence Les dons que demandent leurs chants. Que le Père et le Fils accordent cette grâce À l'humble ferveur de nos vœux, Eux qui régnent sans fin dans cet immense espace Où l'Esprit Saint règne avec eux. \paragraph{À Laudes} Le messager du jour au réveil nous convie : Sur notre âme Jésus fait un pareil effort, Et l'arrachant lui-même au frère de la mort, La rappelle à la vie. « Quittez, quittez ces lits où règne la paresse (C'est ce qu'au fond des cœurs il crie à haute voix) ; Veillez, tenez ces cœurs chastes, sobres et droits : J'approche, et le temps presse. » Répondons à sa voix avec une foi vive, Avec des pleurs, des vœux, de la sobriété ; Faisons que le sommeil cède à la pureté D'une ardeur attentive. Dissipes-en, Seigneur, les vapeurs infidèles ; Romps ces honteux liens dont nous charge la nuit. Et répands sur l'horreur du vieux péché détruit Des lumières nouvelles. Gloire au Père éternel, tout bon, tout saint, tout sage ! Gloire au Verbe incarné ! Gloire à l'Esprit divin, Qui procédant des deux règne avec eux sans fin, Et veut pareil hommage ! \paragraph{À Vêpres} Toi qui créas la terre, et qui l'as enrichie Par l'ordre fécond de ta voix, Des eaux qui la couvroient toi qui l'as affranchie, Pour la rendre immobile et ferme sur son poids ; Toi qui lui fis tirer du sein de la nature Le germe des fleurs et des fruits, Et nous daignas ensuite offrir pour nourriture Les herbes et les grains de ce germe produits : Daigne guérir, Seigneur, ce qu'une indigne flamme Forme d'ulcères en nos cœurs, Fais renaître ta grâce au milieu de notre âme, Pour noyer nos péchés dans un torrent de pleurs. Que cette âme avec joie à tes lois obéisse, Sans s'échapper vers rien de mal ; Qu'elle-même par toi de tous biens se remplisse, Et n'y mêle jamais aucun poison fatal. Que le Père et le Fils accordent cette grâce À l'humble ferveur de nos vœux, Eux qui régnent sans fin en cet immense espace Où règne l'Esprit Saint, qui n'est qu'un avec eux. \subsection{Pour le mercredi} \paragraph{À Matines} Dieu tout bon, Créateur sublime, Sur ceux que tu régis jette un œil paternel ; Vois dans quelles langueurs le sommeil les abîme, Et ne les abandonne à rien de criminel. Nous t'en conjurons, roi des anges, Bannis ce qui peut nuire, et lave ce qui nuit : Nous nous levons exprès pour chanter tes louanges, Et rompons en ton nom les chaînes de la nuit. Nous élevons les mains et l'âme, Suivant qu'un roi prophète a su nous l'ordonner : C'est ce que chaque nuit doit une sainte flamme, C'est l'exemple que Paul a pris soin de donner. Tu vois ce qui fait nos alarmes, Nous t'ouvrons de nos cœurs les plus secrets replis ; Ils poussent des sanglots, nos yeux fondent en larmes : Grâce, grâce au péché dont tu nous vois remplis ! Daignez exaucer nos prières, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui régnez l'un et l'autre au séjour des lumières, Où sans fin avec vous règne le Saint-Esprit. \paragraph{À Laudes} Nuit, ténèbres, vapeurs, noir et trouble nuage, Faites place à des temps plus doux : L'aurore à l'univers fait changer de visage, Jésus-Christ vient, retirez-vous. L'ombre dont l'épaisseur enveloppoit le monde Cède aux premiers traits du soleil, Et la couleur revient sur cette masse ronde, Qu'il dore et peint à son réveil. Qu'il commence et finisse à son gré sa carrière : Notre unique soleil, c'est toi, Seigneur, toute notre âme adore ta lumière, Nos pleurs et nos chants en font foi. Le monde sous le fard nous déguise cent choses, Dont tes clartés percent l'abus ; Astre toujours naissant, dévoiles-en les causes, Et détrompe nos sens confus. Louange à tout jamais au Père inconcevable ! Louange à son Verbe en tout lieu ! Louange au Saint-Esprit, ainsi qu'eux ineffable, Qui n'est avec eux qu'un seul Dieu ! \paragraph{À Vêpres} Dieu tout bon, tout saint et tout sage, Qui d'un feu blanchissant peignis le tour des cieux, Et par un plus parfait ouvrage Les ornas d'un éclat à briller encor mieux ; Qui dans leurs plaines azurées Fis rouler le soleil au quatrième jour, Et par des courses mesurées Fis avancer la lune, et divaguer sa cour ; Qui par ces clartés différentes, Du jour et de la nuit séparant les emplois Donnas à leurs splendeurs errantes Le droit de commencer et de finir les mois : Illumine le cœur des hommes, Bannis-en de la chair les criminels appas, Brise les liens où nous sommes, Et détruis du péché le plus horrible amas. Daignez nous faire cette grâce, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui régnez dans l'immense espace Où sans fin avec vous règne le Saint-Esprit. \subsection{Pour le jeudi} \paragraph{À Matines} L'épaisseur de la nuit dessous un voile sombre De toute la nature a caché les couleurs : Pour exalter ton nom, nos voix en percent l'ombre, Juste juge des cœurs. Bannis de nos désirs ce vain charme qui passe, Laves-en la souillure, et nous dépars à tous La force d'écarter par l'effet de ta grâce Le péché loin de nous. Notre âme, qui languit dans la noirceur du crime, Voudroit jusqu'à tes pieds en porter le remords, Et pour monter à toi de cet obscur abîme, Réunit ses efforts. Que peuvent-ils, Seigneur, si ta bonté n'efface L'épaisse et triste nuit qui lui couvre les yeux ? Et comment sans ton aide espérer une place À te voir dans les cieux ? Ne la refusez pas à nos humbles prières, Père et Fils que jamais le monde ne comprit, Et qui régnez sans fin au séjour des lumières Avec le Saint-Esprit. \paragraph{À Laudes} Le soleil renaissant redore la nature : Laissons évanouir l'indigne aveuglement Qui nous précipita dans l'erreur et l'ordure D'un long et sale égarement. D'un visage serein recevons sa lumière ; Que son éclat nous rende un esprit net et pur : Que la fraude aux discours n'offre plus de matière, Ni la malice rien d'obscur. Que jamais de la bouche un mensonge ne sorte ; Que la main fuie et l'air et l'ombre du péché ; Qu'à rien de criminel le regard ne se porte ; Qu'en rien le corps ne soit taché. Songeons qu'il est là-haut un arbitre sévère, Qui voit tout ce qu'on fait, entend tout ce qu'on dit ; Du matin jusqu'au soir que sa justice opère, Que jusque dans l'âme elle lit. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Gloire au Verbe incarné ! Gloire à l'Esprit divin ! Gloire à leur unité, dont l'essence immuable Règne sans bornes et sans fin ! \paragraph{À Vêpres} Seigneur, dont la puissance au vouloir assortie, De ce qu'elle tira du vaste sein des mers, A leurs gouffres profonds rendit une partie, Et destina le reste à sillonner les airs : Tu laissas aux poissons leurs ondes pour demeure ; Les escadrons ailés s'élevèrent aux cieux ; Et d'une même source engendrés à même heure, Ils surent par ton ordre occuper divers lieux. Donne a tes serviteurs que tes bontés sublimes De ton sang adorable ont lavés dans les flots, Que leurs âmes jamais ne tombent par leurs crimes En l'éternel ennui d'une mort sans repos. Qu'aucun pour ses péchés abattu de foiblesse, Ou fier de ses vertus jusques à s'en vanter, Ne demeure écrasé sous le joug qui le presse, Ou tombe au précipice en voulant s'exalter. Accordez cette grâce à nos humbles prières, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui régnez l'un et l'autre au séjour des lumières, Où sans fin avec vous règne le Saint-Esprit. \subsection{Pour le vendredi} \paragraph{À Matines} Sainte unité de trois, dont la toute-puissance Régit tout l'univers, Des nuits pour te louer nous rompons le silence Écoute nos concerts. Aux heures du repos, pour réclamer ton aide, Nous sortons de nos lits : Accorde à nos clameurs un souverain remède Dont nos maux soient guéris. Tout ce que du démon a coulé l'artifice Dans nos cœurs de plus noir, Qu'il demeure effacé par le secours propice De ton divin pouvoir. Qu'aucune ordure aux corps, aucune glace en l'âme N'imprime sa froideur ; Qu'aucun honteux commerce à notre sainte flamme N'attache de tiédeur. Remplis, Sauveur bénin, remplis-nous, et sans cesse, De ton plus vif éclat ; Et tout le long du jour sauve notre foiblesse De tout ce qui l'abat. Faites-nous ces faveurs, Père incompréhensible, Et vous, ô Jésus-Christ, Qui remplissez ensemble un trône indivisible Avec le Saint-Esprit. \paragraph{À Laudes} Éternelle gloire des cieux, Doux espoir des mortels qui soutiens leur misère, Seul fils du Tout-Puissant, qui naquis en ces lieux Le seul fils d'une vierge mère, Donne-nous la main au réveil, Jusqu'à toi de notre âme élève l'impuissance ; Que sa ferveur te rende au sortir du sommeil Une juste reconnoissance. Du jour la naissante splendeur Répand sur la nature une admirable teinte ; La nuit tombe : répands sur notre vive ardeur Les rais de ta lumière sainte. Eclaires-en tous nos projets, Chasse la nuit du siècle, à renaître obstinée, Et nous conserve à tous des esprits purs et nets, Jusqu'au bout de chaque journée. Fais en premier lieu que la foi S'enracine en nos sens par un don de ta grâce ; Qu'ensuite l'espérance avec joie aille à toi, Et que la charité les passe. Gloire sans bornes et sans fin À la bonté du Père, à son Verbe ineffable ! Gloire toute pareille à l'Esprit tout divin ! Gloire à leur essence adorable ! \paragraph{À Vêpres} Seigneur, qui de ta main fis l'homme à ton image, Et voulus que la terre, à ton dernier \og Je veux \fg, Répondît par le prompt ouvrage De la bête farouche et du reptile affreux ; Qui soumis d'un seul mot les masses les plus fières, Les plus énormes corps qu'eût animés ta voix, Leurs fureurs les plus carnassières, A vivre sous notre ordre et recevoir nos lois : Délivre-nous, ô Dieu, par ta bonté céleste De tout ce qu'ici-bas l'impureté des cœurs, Par un épanchement funeste, Ou mêle aux actions, ou coule dans les mœurs. Fais un don de ta joie aux âmes des fidèles, Par celui de ta grâce affermis tes bienfaits, Romps l'attachement aux querelles, Et redouble les nœuds d'une éternelle paix. Accordez ces faveurs à nos humbles prières, Père incompréhensible, Homme-Dieu Jésus-Christ, Qui dans le séjour des lumières Régnez tous deux sans fin avec le Saint-Esprit. \subsection{Pour le samedi} \paragraph{À Matines} Dieu de souveraine clémence, Qui tiras du néant ce tout par ta bonté, Unique en ton pouvoir, unique en ta substance, Et trine en personnalité, Reçois nos pleurs avec tendresse, Accepte de nos voix l'heureux et saint emploi, Et nous purge si bien d'ordure et de foiblesse, Que nous jouissions mieux de toi. Brûle au dedans notre poitrine Avec le feu du zèle et de la charité ; Ceins au dehors nos reins de cette ardeur divine Qui repousse l'impureté. Que tous ceux à qui tes louanges Font rompre en ces bas lieux le repos de la nuit, Là-haut dans la patrie unis aux chœurs des anges, À jamais en goûtent le fruit. Daignent accorder cette grâce Et le Père et le Fils à l'ardeur de nos vœux, Eux qui régnent sans fin dans cet immense espace Où l'Esprit Saint règne avec eux. \paragraph{À Laudes} La splendeur de l'aurore éparse dans les cieux Laisse choir le jour sur la terre ; Sa pointe avec éclat rejaillit de ces lieux : Loin, fantômes impurs qui nous faisiez la guerre ! Cédez à la clarté, noirs enfants de la nuit, Qui cherchez à souiller notre âme ; Que tout ce que d'horreurs votre insulte a produit Se dissipe aux rayons dune céleste flamme. Que ce dernier matin qu'en ce triste séjour Aucun sans frémir n'envisage, Serve à nous introduire à l'immuable jour Où nous puissions sans cesse entonner cet hommage : Gloire à l'inconcevable et sainte Trinité ! Gloire au Père, au Verbe ineffable ! À l'Esprit tout divin, à leur immensité, Qui ne fait de tous trois qu'une essence adorable ! \paragraph{À Vêpres} Ô Trinité, sainte lumière, De trois divins suppôts adorable unité, Le soleil finit sa carrière : Dans le fond de nos cœurs verse une autre clarté. Que la plus longue matinée, Que le soir le plus lent s'emploie à te louer ; Que la gloire de la journée Soit à faire des vœux qu'il te plaise avouer. Gloire au Père, au Verbe ineffable ! Gloire toute pareille à l'Esprit tout divin ! Gloire à leur essence adorable, Qui règne et régnera sans bornes et sans fin !