\section{Hymnes propres du temps} \subsection{Pour l'Avent} \paragraph{À Vêpres} De tous les feux du ciel seul auteur et seul maître, Vive lumière des croyants, Rédempteur, qui pour tous sur terre as voulu naître, Daigne exaucer tes suppliants. Ta pitié, qui voyoit périr tes créatures Après d'inutiles travaux, Ranime nos langueurs, et ferme nos blessures Par un remède à tous nos maux. Sur le couchant du monde, et vers l'heure fatale Dont le menaçoit ton courroux, Tu sors d'une clôture et sainte et virginale Avec tout l'amour d'un époux. Tous les êtres du ciel, tout ce qu'en a la terre, Courbent le genouil\footnote{Orthographe vieillie de \emph{genou}.} devant toi, Et sans avoir besoin d'éclairs ni de tonnerre, Un coup d'œil les tient sous ta loi. Saint des saints, qu'on verra du trône de ton père Descendre encor pour nous juger, Contre un fier ennemi, durant cette misère, Prends le soin de nous protéger. Louange à tout jamais au Père inconcevable ! Louange à son Verbe en tout lieu ! Louange a l'Esprit Saint, ainsi qu'eux ineffable, Qui n'est avec eux qu'un seul Dieu ! \paragraph{À Matines} Verbe du Tout-Puissant, qui du sein de ton père Viens descendre au secours du monde infortuné, Et naître d'une vierge mère, Pour mourir dans le temps par toi-même ordonné : Illumine nos cœurs pour chanter tes louanges ; Embrase-les si bien de tes saintes ardeurs, Qu'instruits par le concert des anges, Ces cœurs purs et sans tache exaltent tes grandeurs. Qu'alors que tu viendras en ton lit de justice Dévoiler le secret de nos intentions, Séparer la vertu du vice, Et donner la couronne aux bonnes actions, Au lieu d'être livrés aux carreaux que foudroie Suivant l'excès du crime un juge rigoureux, Nous goûtions l'éternelle joie Du sacré célibat avec tes bienheureux. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Gloire au Verbe incarné ! Gloire à l'Esprit divin ! Gloire à leur essence immuable, Qui règne dans les cieux et sans borne et sans fin ! \paragraph{À Laudes} Un saint éclat de voix à nos oreilles tonne, Il dissipe la nuit qui nous couvroit les yeux : Va, sommeil, et nous abandonne, Jésus prêt à partir brille du haut des cieux. Apprends, âme endormie, apprends à te soustraire Aux fantômes impurs dont tu te sens blesser : Le nouvel astre qui t'éclaire Ne lance aucun rayon que pour les terrasser. L'incomparable agneau que du ciel on envoie Vient payer de son sang ce que chacun lui doit : Que les pleurs et les cris de joie S'efforcent de répondre aux biens qu'on en reçoit, Afin que, quand son bras choisira ses victimes, Qu'on verra l'univers environné d'horreur, Loin de nous punir de nos crimes, Ce même bras nous cache à sa juste fureur. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Gloire au Verbe incarné ! Gloire a l'Esprit divin ! Gloire à leur essence ineffable, Qui règne dans les cieux et sans borne et sans fin ! \subsection{Pour le jour de Noël} \paragraph{À Vêpres et à Matines} Christ, rédempteur de tous, fils unique du Père, Seul qu'avant tout commencement, Engendrant en soi-même et produisant sans mère, Il fit naître ineffablement : Adorable splendeur des clartés paternelles, Espoir immuable de tous, Daigne écouter, Seigneur, les vœux que tes fidèles En tous lieux t'offrent comme nous. Souviens-toi qu'autrefois, pour réparer l'injure Que te fit l'homme criminel, Tu pris chair dans les flancs d'une vierge très-pure, Et voulus naître homme et mortel. Vois comme tous les ans ce grand jour fait entendre, Par l'hommage de nos concerts, Que du sein paternel il te plut de descendre Pour le salut de l'univers. C'est ce jour que le ciel, que la terre, que l'onde, Que tout ce qui respire en eux, Bénit cent et cent fois d'avoir sauvé le monde Par ton avènement heureux. Nous y joignons nos voix, nous que par ta clémence Ton sang retira du tombeau ; Et pour renouveler le jour de ta naissance, Nous chantons un hymne nouveau. Gloire à toi, sacré Verbe, et merveille suprême, Dieu par une vierge enfanté ! Même gloire à ton Père, au Saint-Esprit la même, Durant toute l'éternité ! \paragraph{À Laudes} Du point où le soleil prend le dessus des airs, Jusqu'aux bouts de la terre où languit la nature, Qu'on chante Jésus-Christ, ce roi de l'univers, Ce Dieu, ce créateur né d'une créature. Esclave dans un corps que la misère suit, Lui qui du monde entier est l'arbitre suprême, Pour ne détruire point ce qu'il avoit produit, En faveur de la chair il se fait chair lui-même. La grâce à gros torrents tombe du haut des cieux Dans les flancs d'une vierge où s'enferme leur maître : Ces flancs purs et féconds enflent devant les yeux. Et portent des secrets qu'elle n'a pu connoître. L'immaculé palais de son pudique sein Devient du Dieu vivant l'inviolable temple, Et conçoit sans exemple et sans commerce humain, Par la force d'un mot, un enfant sans exemple. Elle accouche d'un fils que prédit Gabriel Quand il la salua par les ordres du Père, Et qu'avoit reconnu pour le maître du ciel Un prophète captif au ventre de sa mère. Il ne dédaigne point la crèche pour berceau, On l'y met sur la paille, avec joie il l'endure, Et ce Dieu, dont le soin nourrit le moindre oiseau, De deux gouttes de lait tire sa nourriture. L'allégresse remplit tous les célestes chœurs, Les anges à l'envi répandent leur musique, Et leurs sacrés accords font connoître aux pasteurs Le créateur de tous, et le pasteur unique. Gloire au Verbe incarné, qui d'un sein virginal Pour vivre parmi nous daigna prendre origine ! Gloire au Père éternel, à l'Esprit leur égal ! Gloire à l'immensité de leur gloire divine ! \subsection{Pour les Saints Innocents} \paragraph{À Vêpres et à Laudes} Du troupeau des martyrs prémices innocentes, Qui payez pour un Dieu qui vient payer pour tous, À peine vous vivez, qu'un tyran fond sur vous, Ainsi qu'un tourbillon sur des roses naissantes. De ce Dieu nouveau-né victimes les plus prêtes, Tendre escadron mourant aussitôt que mortel, Vous vous jouez ensemble, aux marches de l'autel, De ces mêmes lauriers qui couronnent vos têtes. Chantez ainsi que nous : \og Gloire à cette naissance Que le Verbe incarné prit d'un sein virginal ! Gloire au Père éternel, à l'Esprit leur égal ! Gloire à l'immensité de leur divine essence ! \fg \paragraph{À Matines} Un tyran inquiet et fier Apprend d'un bruit confus la naissance d'un prince Qui de David juste héritier, Doit régir toute sa province. À ces nouvelles, forcené : \og On nous chasse, dit-il ; mais prévenons ce maître, Et pour perdre ce nouveau-né, Perdons tout ce qui vient de naître. \fg Que te sert d'avoir tout proscrit ? Hérode, que te sert qu'on déchire, qu'on frappe ? Tu n'en veux qu'au seul Jésus-Christ, Et Jésus-Christ lui seul t'échappe. Gloire à toi, rédempteur bénin, Qui du sein d'une vierge as tiré ta naissance ! Gloire au Père, à l'Esprit divin ! Gloire à leur immortelle essence ! \paragraph{Pour l'Épiphanie} \paragraph{À vêpres et à Matines} Lâche Hérode, à quoi bon l'effroi que tu te donnes ? Qui te fait de Jésus craindre l'avènement ? Lui qui donne là-haut d'éternelles couronnes, Envieroit-il ici des règnes d'un moment ? D'un astre fait exprès la nouvelle carrière Sert de guide à trois rois, et leur montre le lieu : La lumière leur fait connoître la lumière, Et par divers présents reconnoître leur Dieu. L'agneau saint et céleste entre dans une eau pure, Reçoit la pénitence en un corps sans péché : Cette onde en le lavant emporte notre ordure, Et blanchit des noirceurs dont il n'est point taché. Ô surprenant effet de puissance divine ! Une autre eau dans la cruche à sa voix obéit, Pour se tourner en vin dément son origine, Et change de nature aussitôt qu'il l'a dit. Gloire au divin auteur d'une telle merveille, Qui choisit ce grand jour pour se montrer aux yeux ! Au Père, au Saint-Esprit, gloire toute pareille ! Gloire à tous trois ensemble, en tout temps, en tous lieux ! \paragraph{À Laudes} Ô Bethléem, illustre entre toutes les villes, Vante-toi, tu le peux, d'avoir donné le jour À ce roi qui du ciel rend les chemins faciles, Et qui prend notre chair par un excès d'amour. C'est lui que nous annonce une étoile inconnue, Qui passe du soleil l'éclat et la beauté, Et fait voir en ces lieux un Dieu dont la venue Unit notre foiblesse à sa divinité. Cet astre jusqu'à lui guide à peine les mages, Qu'aucun des trois pour lui n'épargne son trésor : Chacun d'eux prosterné lui rend d'humbles hommages, Chacun lui fait présent d'encens, de myrrhe, ou d'or. Un haut mystère éclate en tout ce qu'on lui donne : L'encens dit qu'il est Dieu, qu'il lui faut un autel ; L'or montre qu'il est roi, qu'il veut une couronne ; Et la myrrhe avertit qu'il est homme et mortel. Gloire au divin auteur d'une telle merveille, Qui choisit ce grand jour pour se montrer aux yeux ! Au Père, au Saint-Esprit, gloire toute pareille ! Gloire à tous trois ensemble, en tout temps, en tous lieux ! \subsection{Pour le Carême} \paragraph{À Vêpres} Toi, dont le seul vouloir règle nos destinées, Seigneur, reçois nos vœux, écoute nos soupirs : Jusqu'à toi par le jeûne élève nos désirs, Durant ces quarante journées. Tu lis au fond des cœurs, tu vois ce qui s'y passe ; Tu connois notre foible, et nos manques de foi : Pardonne à des pécheurs qui recourent à toi ; Ne leur refuse pas ta grâce. À force de pécher notre âme est toute noire ; Mais laisse à ta bonté désarmer tes rigueurs ; Si nous te demandons remède à nos langueurs, Ce n'est que pour chanter ta gloire. Si du jeûne au dehors la sévère abstinence Abat notre vigueur, défigure nos traits, Fais qu'au dedans de l'âme un jeûne de forfaits Ramène la convalescence. Immense Trinité qu'aucun ne peut comprendre, Glorieuse unité par qui tout est produit, À tes adorateurs daigne accorder le fruit Que des jeûnes on doit attendre. \paragraph{À Matines} Instruits par un usage aussi saint que mystique, Si nous voulons du ciel attirer le secours, Exerçons-nous au jeûne, et que chacun s'applique À lui faire un tribut de quatre fois dix jours. La loi mit en avant ce digne et saint usage, Les prophètes depuis s'en sont fait une loi ; Jésus-Christ à la suivre après eux nous engage, Lui qui de tous les temps est l'auteur et le roi. Servons-nous donc en tout de plus de retenue : Ne mangeons, ne buvons que pour le seul besoin ; Que le jeu, le dormir, le parler diminue ; Et que de se garder on prenne plus de soin. Retranchons nos plaisirs, traitons d'ignominie Ceux qui troublent l'esprit, qui le font s'égarer ; Que du rusé démon la fière tyrannie D'aucune entrée au cœur ne se puisse emparer. Apaisons le courroux de ce juge sévère, Pleurons devant les yeux de ce maître des rois ; Montrons-lui tous à part quelle est notre misère, Et crions tous ensemble, en élevant la voix : Bien que notre injustice épuise ta clémence, Bien que son noir excès malgré toi t'ait lassé, Pour peu que tes bontés conservent d'indulgence, D'un seul de tes regards tout peut être effacé. Le plus parfait de nous n'est qu'un vaisseau fragile, Mais de ta propre main tu daignas nous former : Ne souffre pas qu'un autre ait droit sur cette argile Que pour ta seule gloire il t'a plu d'animer. Oublie et nos péchés et ta juste colère ; Mets par de nouveaux dons un comble à tes bienfaits, Et verse dans nos cœurs les secrets de te plaire, Ici durant la vie, au ciel à tout jamais. Immense Trinité, qu'aucun ne peut comprendre, Glorieuse unité, par qui tout est produit, Des jeûnes qu'en ton nom tu nous vois entreprendre À tes adorateurs daigne accorder le fruit. \paragraph{À Laudes} Jésus, vrai soleil de justice, De l'âme ténébreuse éclaire enfin les yeux, Et fais que des vertus la lumière propice Y rentre en même temps que le jour en ces lieux. Nous donnant ces jours favorables, Imprime au fond des cœurs un sacré repentir : Ta pitié trop longtemps les a soufferts coupables ; Par ta bénignité daigne les convertir. Fais-nous par quelque pénitence Obtenir le pardon des plus affreux péchés : Plus elle sera rude, et plus de ta clémence Nous bénirons la force et les trésors cachés. Ce jour vient, ce jour salutaire Où par tout l'univers tu fais tout refleurir : Ramène en ce grand jour au chemin de te plaire Ceux qu'à toi ce grand jour oblige à recourir Qu'en tous lieux t'adore un vrai zèle, Grand Dieu, dont la bonté nous tire du tombeau ; Tandis que renaissants par ta grâce nouvelle, Nous chantons à ta gloire un cantique nouveau. \subsection{Pour le temps de la Passion} \paragraph{À Vêpres} L'étendard du grand roi des rois, La croix, fait éclater son mystère suprême, Où l'auteur de la chair, s'étant fait chair lui-même, Daigne mourir pour nous sur un infâme bois. Le fer d'une lance enfoncé Dans le flanc amoureux de la sainte victime En fait sortir une eau qui lave notre crime, Et ruisseler un sang dont il est effacé. David, ton oracle est rempli ; Et quand tu prédisois du maître du tonnerre Que d'un trône de bois il régneroit sur terre, Ta voix étoit fidèle, et l'ordre est accompli. Arbre noble et resplendissant, Que pare d'un tel roi la pourpre glorieuse, Qu'on te prit d'une tige et digne et précieuse, Pour toucher de si près à ce corps innocent ! Arbre heureux, dont les bras ouverts Ont porté le rachat, le prix de tout le monde ; Balance, où s'est pesé plus que la terre et l'onde, Que tu ravis de proie au tyran des enfers ! Unique espoir des nations, En ce temps qui d'un Dieu retrace le supplice, Croix sainte, aux gens de bien augmente leur justice, Et pardonne aux méchants leurs noires actions. Inconcevable Trinité, Que tout esprit te rende une gloire parfaite : Sauve par tes bontés ceux que la croix rachète, Et guide-les toi-même à ton éternité. \paragraph{À Matines} Sers de pinceau, ma langue, et peins avec éclat Ce noble et glorieux combat Par qui la croix s'élève un trophée adorable : Peins comme le sauveur de ce vaste univers, Par un amour incomparable Se laissant immoler, triompha des enfers. Peins comme la bonté de son père éternel, Dès que l'homme devint mortel, Eut pitié de le voir perdu par une pomme ; Fais voir comme dès lors son amoureux décret Voulut que par un nouvel homme Un arbre réparât ce qu'un arbre avoit fait. Il cacha son dessein, et pour rusé que fût L'ennemi de notre salut, Ce trompeur fut trompé par la ruse céleste ; Et quelques yeux qu'ouvrît ce lion infernal, Sans que rien lui fût manifeste, Le remède partit d'où procédoit le mal. À peine est arrivé par le retour des ans L'heureux moment du sacré temps, Qu'un créateur de tout lui-même est créature, Et que Dieu fait sortir ce Fils, ce bien-aimé, De la virginale clôture Où pour se faire chair il s'étoit enfermé. Sur une vile crèche il pleure comme enfant, Et son corps déjà triomphant Se laisse envelopper à cette vierge mère : Sous des langes chétifs on lui serre les bras, Et pour finir notre misère, De la misère même il se fait des appas. Gloire, puissance, honneur et louange au Très-Haut, Au Fils, comme lui sans défaut, À l'Esprit tout divin, ainsi qu'eux ineffable ! Gloire, honneur et louange à leur sainte unité, À leur essence incomparable, Et durant tous les temps et dans l'éternité ! \paragraph{À Laudes} De la terre et du ciel ce monarque absolu, Né, parce qu'il l'avoit voulu, Pour mourir en souffrant et payer notre crime, Après qu'il eut laissé six lustres s'écouler, Innocente et pure victime, Permit qu'à sa justice on l'osât immoler. Le vinaigre, le fiel, le roseau, les crachats Joignirent l'insulte au trépas ; Un fer fit dans son flanc une large ouverture, Il en sortit du sang, il en sortit de l'eau, Et l'air, le ciel et la nature Se trouvèrent lavés par ce fleuve nouveau. Arbre noble entre tous, quelle forêt produit Pareilles feuilles, fleurs ou fruit ? Croix fidèle, à jamais digne de nos hommages, Qu'a de charmes ton bois, que bénis sont les clous, Que de douceurs ont les branchages Qui pour notre salut portent un poids si doux ! Arbre heureux, arbre saint, abaisse tes rameaux, Relâche en dépit des bourreaux L'inflexibilité qui t'est si naturelle, Et souffre que les bras du roi du firmament, Qui souffre et meurt pour un rebelle, Demeurent étendus un peu plus doucement. Tu portes, par le choix des ordres éternels, Le rachat de tous les mortels, Et prépares un port à leur commun naufrage : Ils t'en firent seul digne, et le sang de l'Agneau Laisse à ton bois un sacré gage D'un triomphe aussi grand que ton destin est beau. Gloire, puissance, honneur et louange au Très-Haut, Au Fils, comme lui sans défaut, À leur Esprit divin, ainsi qu'eux ineffable ! Gloire, louange, honneur à leur sainte unité, À leur essence inconcevable, Et durant tous les temps et dans l'éternité ! \subsection{Pour le temps de Pâques} \paragraph{À Vêpres} Au banquet de l'Agneau courons des bouts du monde, Et vêtus d'habits nuptiaux, Comme de la mer Rouge ayant traversé l'onde, Chantons à Jésus-Christ des cantiques nouveaux. Le vin qu'on nous y sert est son sang adorable, Son corps sacré le mets divin ; Et pour nous faire seoir et revivre à sa table, Son amour sur la croix fait l'apprêt du festin. Par la Pâque en ce soir notre âme protégée Contre l'ange exterminateur, Du joug de Pharaon se trouve dégagée, Sort d'un si dur empire, et suit son protecteur. Lui-même est notre Pàque, et l'agneau sans souillure Pour tous nos crimes immolé ; Et cette chair azyme est la victime pure Qui satisfait pour tous à l'ordre violé. Victime à jamais digne et d'amour et de gloire Par toi tout l'enfer est dompté ; Par toi les vieux captifs ont part à la victoire, Et la vie est rendue à l'homme racheté. Après l'enfer vaincu Jésus sort de la tombe, Il revient paraître à nos yeux ; Et laissant dans les fers un tyran qui succombe, Il nous ouvre l'entrée au royaume des cieux. Sauveur de tout le monde, en cette pleine joie Dont la Pâque remplit nos cœurs, Daigne si bien guider ton peuple dans ta voie, Que d'une mort funeste il échappe aux rigueurs. Gloire à toi, rédempteur et monarque suprême, Par toi-même ressuscité ! Même gloire à ton père, au Saint-Esprit la même, Et durant tous les temps et dans l'éternité ! \paragraph{À Matines} Éternel, qui régis l'un et l'autre hémisphère, De tous deux l'auteur et l'appui, Qui devant tous les temps règnes avec ton père, Même roi, même essence et même Dieu que lui, Sitôt que le néant eut enfanté le monde Par le son fécond de ta voix, Tu fis Adam son maître, et la machine ronde, Le voyant ton image, en accepta les lois. Le diable le déçut, et ce triste esclavage Eût perdu l'homme pour jamais, Si toi, qui l'avois fait toi-même à ton image, Tu n'eusses à ton tour pris sa forme et ses traits. Par là tu retiras de cette infâme chaîne Ce digne ouvrage de ta main, Et ta nature unie à la nature humaine Rejoignit l'homme à Dieu, l'esclave au souverain. Tu naquis d'une vierge, et c'est une naissance Qui nous étonne et nous ravit ; Et nous croyons qu'un jour par la même puissance Tous nos corps revivront, comme le tien revit. C'est ce même pouvoir qui nous donne au baptême Le pardon de tous nos péchés ; C'est par ce trait divin de ta bonté suprême Que de leur triste joug nos cœurs sont détachés. Ton amour sur la croix fait encor davantage, Il t'y laisse percer le flanc ; Par ta mort à la vie il nous fait un passage, Et pour notre salut il prodigue ton sang. Sauveur de tout le monde, en cette pleine joie Dont la Pâque remplit nos cœurs, Daigne si bien guider ton peuple dans ta voie, Que d'une mort funeste il échappe aux rigueurs. Gloire à toi, rédempteur et monarque suprême, Par toi-même ressuscité ! Même gloire à ton père, au Saint-Esprit la même, Et durant tous les temps et dans l'éternité ! \paragraphe{À Laudes} L'aurore a du vrai jour ramené la lumière, Le ciel fait des concerts charmants, Le monde par les siens marque une joie entière, Et l'enfer n'y répond que par des hurlements. Aussi c'est en ce jour que l'auteur de leur être, Brisant les chaînes de la mort, Foulant aux pieds l'Averne et son orgueilleux maître, Change des malheureux le déplorable sort. Ce corps d'un froid tombeau renfermé sous la pierre, Ce mort gardé par des soldats, En pompe triomphante est revenu sur terre, Réparateur du siècle, et vainqueur du trépas. Qu'on cesse de gémir, il n'est plus de misères, Leur triste cours est arrêté : De la prison du limbe un mort tire nos pères, Et l'ange nous annonce un Dieu ressuscité. Sauveur de tout le monde, en cette pleine joie Dont la Pâque remplit nos cœurs, Daigne si bien guider ton peuple dans ta voie, Que d'une mort funeste il échappe aux rigueurs. Gloire à toi, rédempteur et monarque suprême, Par toi-même ressuscité ! Même gloire à ton père, au Saint-Esprit la même, Et durant tous les temps et dans l'éternité ! \subsection{Pour l'Ascension} \paragraph{À Vêpres et à Laudes} Sauveur qui nous as tous rachetés de ton sang, Seul désir d'une flamme pure, Vrai Dieu, vrai créateur de toute la nature, Qui dans la fin des temps d'un homme as pris le rang : Quel excès de bonté, quel amoureux effort Te charge de tout notre crime, D'un cruel attentat volontaire victime, Qui meurs pour affranchir nos âmes de la mort ? Il t'a plu de descendre aux prisons de l'enfer, Pour en retirer des esclaves ; Et vainqueur du démon qu'en son trône tu braves, À la dextre du Père on t'en voit triompher. Que la même bonté par un heureux pardon Triomphe aussi de nos foiblesses : Remplis les vœux ardents que forment nos tendresses, Et fais-nous de ta vue un immuable don. Sois notre joie ici, pour être au ciel un jour Le doux prix de notre victoire ; Fais que nos cœurs en toi réunissent leur gloire Et dans ces sombres lieux et dans ce clair séjour. \paragraph{À Matines} Éternel et Très-Haut, roi des célestes plaines, Des fidèles doux rédempteur, Qui détruisant la mort, brisant toutes ses chaînes, Fais triompher la grâce, et régner son auteur : Tu montes dans ton trône à la dextre du Père, Et reçois là ce plein pouvoir Que pour prix de ta mort sur tous il te défère, Et que mortel ici tu n'en pus recevoir. C'est par ce haut pouvoir que la triple machine, La terre et tous ses habitants, Ceux qui régnent au ciel, ceux que l'enfer domine, Tout fléchit devant toi le genouil en tout temps. L'ange admire en tremblant ce changement de face Qui se fait au sort des mortels : La chair fit le péché, la même chair l'efface, Et la même chair monte aux trônes éternels. Fais, grand moteur de tout, fais seul notre allégresse, Toi qui dans le ciel tiens ta cour, Et dont le moindre attrait, la plus simple caresse, Passe tous les plaisirs de ce mortel séjour. C'est de ces tristes lieux que notre humble prière, Pour nombreux que soient nos péchés, Demande que ta main par une grâce entière Élève à toi nos cœurs à la terre attachés : Qu'en ce jour redoutable, où du haut de la nue L'arrêt dernier sera rendu, Nous ayant dès ici remis la peine due, Tu nous rendes le bien que nous avons perdu. Gloire a ton sacré nom, ô monarque suprême, Qui montes au-dessus des cieux ! Même gloire à ton père, au Saint-Esprit la même ! Louange à tous les trois, en tout temps, en tous lieux ! \subsection{Pour le jour de la Pentecôte} \paragraph{À Vêpres} Viens, Esprit créateur qui nous as donné l'être, Descends du haut du ciel dans les esprits des tiens ; Et comme tu les as fait naître, Remplis-les du plus grand des biens. Soit que de Paraclet le sacré nom te suive, Soit qu'ici du Très-Haut nous t'appelions le don, Feu, charité, fontaine vive, Et spirituelle onction, Ta grâce au fond des cœurs par sept présents opère, Doigt de Dieu, qui suffis à les épurer tous, Effet des promesses du Père, Et langue qui parles en nous. Illumine les sens par tes saintes largesses, Verse un parfait amour dans le cœur abattu, Rends des forces à nos foiblesses Par une immuable vertu. Mets de notre ennemi toute l'audace en fuite, D'une sincère paix assure-nous le fruit ; Fais enfin que sous ta conduite L'âme évite tout ce qui nuit. Apprends-nous à connoître et le Fils et le Père, À te croire l'Esprit à tous les deux commun, Et cet ineffable mystère De trois suppôts qui ne sont qu'un. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Gloire pareille au Fils qui s'est ressuscité ! Gloire au Paraclet adorable, Durant toute l'éternité ! \paragraph{À Matines} Jésus-Christ remonté sous la voûte céleste, Dont à descendre ici l'amour l'avoit contraint, Des promesses du Père accomplissant le reste, Devoit envoyer l'Esprit Saint. De ce temps solennel l'heureuse plénitude Se voyoit toute prête à terminer son cours, Et du char du soleil l'aveugle exactitude Avoit roulé sept fois sept jours, Lorsqu'à l'heure de tierce un éclat de tonnerre, Aux apôtres, qu'il trouve assemblés en son nom, Apprend que cet Esprit est descendu sur terre, Et que Dieu leur en fait le don. Ce feu pur et brillant des splendeurs éternelles Sur le troupeau choisi se plaît à s'épancher, Et Jésus-Christ par lui verse au cœur des fidèles La vive ardeur de le prêcher. Ravis, et sans rien craindre avec ces avantages, Pleins de ce divin souffle ils sortent de ce lieu, Et leur impatience, en différents langages, Annonce les grandeurs de Dieu. Ils parlent, et les Grecs, les Latins, les Barbares Reçoivent à l'envi la parole à genoux, Tous étonnés de voir des hommes si peu rares Parler le langage de tous. Parmi tant de croyants les seuls Juifs incrédules, Possédés d'un esprit envieux et malin, Traitent ces hauts discours de contes ridicules Que forment des gens pleins de vin. Mais Pierre a des vertus, Pierre fait des miracles Qui gravent dans les cœurs les saintes vérités ; Et de Joël sur l'heure expliquant les oracles\footnote{Voir Joël II, 28 et Actes II, 17.}, Confond toutes les faussetés. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Pareille gloire au Fils qui s'est ressuscité ! Pareille au Paraclet, ainsi qu'eux adorable, Durant toute l'éternité ! \paragraph{À Laudes} L'invariable tour qui règle chaque année Nous retrace un mystère où chacun applaudit, En nous ramenant la journée Où sur le saint troupeau l'Esprit Saint descendit. En feu vif et perçant sur leurs têtes il vole, Sur leurs têtes à tous en langues il s'épart, Et la ferveur et la parole Sont des dons où par lui chacun d'eux a sa part. De toutes nations ils parlent le langage : Le gentil s'en étonne, admire, tremble, croit, Tandis que le Juif plein de rage Impute aux vins fumeux ce qu'il entend et voit. Pareil nombre de jours sépare ce mystère De la Pâque où revit le sacré Rédempteur, Qu'il faut d'ans à la loi sévère Pour remettre à jamais la dette au débiteur. Dieu puissant et tout bon, qu'aucun ne peut comprendre, Devant ta majesté nous abaissons les yeux : Sur nos âmes daigne répandre Ces dons du Saint-Esprit que tu verses des cieux. Toi qui fis inonder les torrents de ta grâce Sur ce troupeau choisi qu'il te plut de bénir, Pardonne à notre impure masse, Et nous assure à tous un tranquille avenir. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Pareille gloire au Fils qui s'est ressuscité ! Pareille à l'Esprit ineffable, Et durant tous les temps et dans l'éternité ! \subsection{Pour le jour de la Très Sainte Trinité} \paragraph{À Vêpres} Ô Trinité, sainte lumière, etc.\footnote{Voir oluxbeata} \paragraph{À Matines} Dieu, souverain amour et suprême clémence, Qui tiras du néant ce tout par ta bonté, Qui n'es qu'un en pouvoir, qui n'es qu'un en substance, Et trine en personnalité, Prête à notre réveil ta main toute-puissante : Que l'âme avec le cœur s'élève jusqu'à toi, Et que de nos concerts l'ardeur reconnoissante Ait ta gloire pour seul emploi. Gloire soit à jamais au Père inconcevable ! Gloire au Verbe incarné ! Gloire à l'Esprit divin ! Gloire à leur unité, dont l'essence immuable Règne sans bornes et sans fin ! \paragraph{À Laudes} Sainte unité de trois, dont la toute-puissance Régit tout l'univers, Des nuits pour te louer nous rompons le silence : Écoute nos concerts. L'astre que suit le jour répand sur la nature Sa naissante splendeur ; La nuit tombe : répands une lumière pure Sur notre vive ardeur. Gloire au Père éternel ! Gloire au Verbe ineffable ! Gloire à l'Esprit divin ! Gloire à leur unité, dont le règne adorable Est sans borne et sans fin ! \subsection{Pour la fête du Saint-Sacrement} \paragraph{À Vêpres} Chantons du corps sacré l'adorable mystère, Et celui du sang précieux Qui fut du monde entier le rachat glorieux, Qui d'un Dieu fléchit la colère, Et que le fruit d'un ventre issu de tant de rois, Le roi des nations, répandit sur la croix. D'une vierge pour nous il prend son origine, Son père nous le donne à tous ; Avec nous il converse, et semant parmi nous Sa parole toute divine, Il ferme son exil en ce triste séjour Par un ordre étonnant de puissance et d'amour. À table, dans la nuit de sa dernière cène, Avec ses douze autour de soi, En pain, herbes et viande, ayant fait de la loi Une observance exacte et pleine, Pour dernier mets lui-même à ce troupeau si cher Il donne de sa main et son sang et sa chair. Ce Verbe-chair, d'un mot, par sa toute-puissance, Change un pain en son corps divin ; Du vin il fait son sang, et ce pain et ce vin Laissent détruire leur substance ; Tout notre sens résiste à ce qu'il nous en dit, Mais au cœur pur et droit la foi seule suffit. Nous qui d'un tel amour recevons un tel gage, Adorons ce grand sacrement ; Faisons céder la nuit du vieil enseignement Aux clartés du nouvel usage ; Et si nous n'avons pas des yeux assez perçants, Que notre foi supplée au défaut de nos sens. Que de la Trinité l'auguste et saint mystère À jamais partout soit béni : Rendons au Père immense un respect infini, Pareille gloire au Fils qu'au Père, Pareille à cet Esprit qui procède des deux, Éternel, ineffable et tout-puissant comme eux. \paragraph{À Matines} L'allégresse aujourd'hui doit être solennelle : Poussons jusques au ciel l'éloge du Seigneur. Vieil usage, cessez ; que tout se renouvelle, Les œuvres, les chants et le cœur. Nous célébrons la nuit de la cène dernière, Où Jésus départit l'agneau pascal aux siens, Donna le pain azyme en la même manière Que le donnoient nos anciens. Ce Verbe du Très-Haut, devant qui le ciel tremble, Ensuite les repaît de son corps précieux, Le donne tout entier à tous les douze ensemble Et tout entier à chacun d'eux. Aux foibles il départ une chair soutenante, Il rend aux affligés la joie avec son sang. \og Prenez tous, leur dit-il, ce que je vous présente ; Mangez, buvez à votre rang. \fg C'est ainsi qu'il ordonne un si grand sacrifice ; Il en commet le soin aux prêtres parmi nous, Et dans leurs seules mains laisse en dépôt l'office De le prendre et donner à tous. Ainsi le pain du ciel devient le pain des hommes, Il termine et remplit la figure et la loi. Ô banquet merveilleux ! Esclaves que nous sommes, Nous y mangeons notre vrai Roi. Sainte unité de trois, écoute nos prières : Comme nous t'adorons, daigne nous visiter ; Conduis-nous par ta voie au séjour des lumières, Que tu créas pour l'habiter. \paragraph{À Laudes} Le Verbe du Très-Haut, sorti du sein du Père Sans le quitter un seul moment, Achève son ouvrage, et touche à l'heure amère Qui le doit mettre au monument. Prêt à se voir livrer à la mortelle envie De ses plus cruels ennemis, Lui-même auparavant il se fait pain de vie, Pour se livrer à ses amis. De son sang, de sa chair il enferme l'essence Sous ce qui paroît vin et pain, Afin que l'homme entier d'une double substance Apaise sa soif et sa faim. Il se fait notre frère alors qu'il prend naissance, Notre viande dans son festin, Notre prix quand il meurt, et notre récompense Quand il règne là-haut sans fin. Ô salutaire hostie, adorable victime, Qui nous ouvres le ciel à tous, D'un puissant ennemi l'insulte nous opprime : Sois notre force, et défends-nous. Gloire soit à jamais à l'être inconcevable De la sainte unité des trois, Dont la bonté nous donne un règne interminable En la patrie où tous sont rois !